Turquie 5 mois et demi - 2610 kilomètres -Turkey 5 months and a half - 2610 km
Où les millions affolent Bernadette.
Avant de prendre la route il nous faut acheter de la boisson. Bernadette, munie de billets de banque turc (je viens de changer des euros) va à une petite boutique pour acheter 1 bouteille d'eau et 1 litre de coca-cola. Elle revient affolée, les mains vides. Elle me dit que le marchand lui demande 2 millions de livres turques et qu'elle ne veut pas payer cette somme. Après avoir un peu rit je lui dis que ce n'est pas cher. Contre 50 € j'ai bien reçu 79 750 000 livres. Un peu honteuse elle ne retourne pas à la boutique. Je fais donc l'achat.
Nous sommes sur les routes turques.
Nous prenons la direction d'Istanbul. Nous embarquerons sur un ferry à Bandirma, au sud de la mer de Marmara.
Une trentaine de kilomètres après Ayvalik nous arrivons à Buhaniye. Un camping est tenu par un allemand. La saison est terminée et le camping est théoriquement fermé mais il nous reçoit sans problème. Le soir il nous offre même une boule de pain. Les seuls bruits que nous entendons sont quelques aboiements d'un chien et le braiment d'un âne qui s'ennuie dans le pré à coté.
Pompiers sympas.
La soirée de la seconde journée nous sommes dans une région montagneuse et boisée. Nous trouvons un endroit pour camper près d'une ancienne bergerie. Non loin, une maison avec des pompiers qui surveillent le massif forestier. Ils nous invitent à boire le chai (thé). J'y vais seul. Bernadette craint de ne pas dormir si elle prend du thé. On me propose de l'eau potable. Elle va servir à cuire nos pâtes. Pendant le repas la pluie se met à tomber. Les pompiers nous proposent de venir nous installer chez eux. La tente étant montée nous déclinons l'invitation. Couchés, nous entendons les camions qui gravissent avec peine la montée à 10%. Demain ce sera notre tour.
Avant de partir les pompiers insistent pour que nous venions prendre un cai. Le sucre qu'il contient va nous aider à monter les cols successifs qui nous séparent de la ville de Balikésir.
Gentillesses.
Les premiers coups de pédales nous font comprendre que cela ne va pas être une partie de plaisir. Avec notre chargement nous ne dépassons pas 4 kms/heure. Un cyclomotoriste s'arrête devant nous. Il cherche dans une sacoche et en sort une corde. Il propose de nous tracter. Nous le remercions de sa gentillesse mais ce serait trop dangereux. Il paraît déçu. En fin de matinée nous achetons à un paysan un kilo de clémentines (1 250 000 livres). Les fruits sont amers. Quelques kilomètres plus loin une voiture s'arrête devant nous. Le conducteur nous fait signe de nous arrêter. Il nous offre des clémentines et des figues sèches. Par gestes il nous fait comprendre que ce sont des vitamines et qu'elles nous feront du bien.
Arnaque ou pas arnaque.
En début d'après-midi de gros nuages noirs avancent rapidement à l'horizon. Cela sent l'orage. Aux premières gouttes nous nous abritons dans le tunnel de lavage d'une station service désaffectée. Nous en sommes à nos réflexions sur le temps à venir lorsqu'une voiture avec trois hommes à bord vient près de nous. Après bonjours et salutations ils viennent de notre coté. Ils ont (enveloppé dans du journal) du pain et de la saucisse ainsi que deux bouteilles de vin. Ils nous proposent de casser la croûte avec eux. Nos estomacs étant garnis que de fruits nous acceptons, sans oser nous gaver. Ils nous font comprendre qu'ils habitent le village sur le flanc de la montagne, dont on voit les toits à travers les arbres et ajoutent que nous pourrons planter notre tente chez l'un d'eux. Ils nous offrent des cadeaux, une petite peluche, un tapis de prière et un parapluie (au cas ou la pluie reviendrait). Il est convenu que dès la fin de la pluie ils nous précéderaient au village. L'un d'eux nous donne une photo, un autre son adresse. Confiants, dès que la pluie cesse nous montons vers le village. En y arrivant la pente est raide mais des passants nous poussent dans le plus dur. Sur la place du village nous sommes l'attraction. Lorsque nous expliquons le motif de notre venue certains semblent perplexes. Comme aucun des trois hommes n'est là quelqu'un leur téléphone. Ils arrivent un quart d'heure plus tard. Ils semblent ivres (les deux bouteilles de vin ont fait leur effet). Nous apprenons alors qu'aucun des trois hommes n'a de jardin. Le photographe propose que nous nous installions dans son studio, entre les parapluies réflecteurs et divers objets. Un turc, présentant bien, parlant un peu français, me fait comprendre qu'il vaudrait mieux ne pas accepter la proposition. Nous ne savons pas pourquoi mais lui semble le savoir.
Il ne nous reste plus qu'à reprendre la route de Balikésir encore distante de 24 kilomètres.
De retour sur la grande route, Bernadette, de colère, jette au fossé le tapis de prière et la peluche, la photo est déchirée.
Des gens sympathiques et serviables.
A peine avons-nous fait trois cents mètres que la roue droite de la remorque crève. Je suis à dévisser les écrous lorsqu'une petite camionnette s'arrête. En descendent un homme, une femme, un jeune homme et deux jeunes filles. Il y a bientôt trop de mains pour m'aider mais la gentillesse dont font preuve ces gens m'empêche de le dire. Pendant ce temps un petit camion s'est arrêté. La femme connaît le conducteur. Elle lui demande de nous emmener à Balikésir. Le tandem et la remorque sont prestement montés. Bernadette, avant de monter, a de la peine à terminer la petite pizza que lui a donné la femme. Le temps ayant passé la nuit tombe déjà. Nous sommes heureux de cette aide en voyant les 24 kilomètres de route faits de montées et des descentes. Quand serions-nous arrivés à la ville. A destination, le conducteur nous trouve un hôtel dont le prix initial de 50 000 000 de livres est descendu à 25 000 000 de livres soit environ 13,50 €. Ces braves gens ont racheté la bêtise des trois ivrognes.
Balikésir est la vitrine de ce que nous allons trouver dans la plupart des villes turques, grandes ou petites. Pendant la journée de repos que nous y passons nous observons que les commerces et artisans sont groupés par corps de métiers. Ainsi ce sont des rues de restaurants, d'hôtels, de ferronniers, de tapissiers, de drogueries, de vêtements et de textiles etc... Hormis le centre les maisons sont comme en Grèce non terminées. Les trottoirs sont hauts et les rues populaires ne sont pas bitumées.
Chez le Berber (barbier).
Ayant besoin de me faire couper les cheveux et tailler la barbe j'entre chez un berber. Le prix pour la totale est de 5 000 000 de livres (3,13 €). Je suis immédiatement pris en charge par le patron. L'apprenti est prié de regarder le travail et de fournir les outils nécessaires. Aux clients en attente il est demandé d'attendre un peu plus longtemps (ce qu'ils font avec gentillesse). Je demande une coupe courte. On hésite. J'insiste. La barbe est taillée à l'unisson. Je crois alors que c'est fini. Eh bien non ! C'est le shampoing, la face contre le lavabo, une serviette sous le menton, l'autre sur la nuque (des serviettes propres, pas de celles qui sont déjà mouillées et séchées plusieurs fois). Après le shampoing, la friction est suivie d'un massage des vertèbres cervicales avec descente sur le cou et les omoplates. L'effet est saisissant mais je me sens bien (seule la crainte d'une fausse manoeuvre me donne un peu d'inquiétude). On me brûle les poils des oreilles avec une petite torche d'alcool enflammé. Je ne sens aucune brûlure, simplement l'odeur des poils brûlés. Les sourcils sont taillés en longueur et les poils du nez ne sont pas oubliés. Nouveau et dernier massage avec un appareil vibrant, de la nuque au dos. Je doute que pour tout cela les 5 000 000 soient suffisants. Non, il n'y a pas de surprise. Satisfait je donne 1 000 000 à l'apprenti qui regarde le patron avant d'accepter. Autour de moi les braves gens sourient. Je sors heureux.
Premières observations de la vie turque dans une petite ville.
au restaurant.
Seuls les hommes déjeunent ou dînent au restaurant. Bien sûr, Bernadette faillit à la tradition. Les menus ne sont pas chers mais les rations sont petites. Pour ne pas sortir avec la faim je commande deux rations. Les boissons alcoolisées ne sont pas servies. Nous allons acheter de la bière dans les épiceries proches.
dans la rue.
La rue appartient aux hommes qui y déambulent de manière alerte. Ils s'arrêtent pour discuter ou entrer dans un restaurant ou un bar, pour y boire le sacro-saint chaï (thé). Les femmes, hors les zones marchandes, sont peu nombreuses. Elles sont habillées de leur longue gabardine et ont le foulard sur la tête. Si quelques unes osent défier la tradition elles se comptent sur les doigts de la main.
En ce 15 octobre le temps est gris et pluvieux. Nous prenons la route pour Susurluk avec un vent de face soufflant à près de 40 kms/h. La route tout d'abord plate se met à vallonner puis à grimper. Heureusement, vers le trentième kilomètre nous pouvons faire halte dans un grand fast food turc. Nous sommes servis rapidement. L'addition s'élève à 13 000 000 pour un repas correct. La reprise se fait sous la pluie. Le paysage n'en perd pas pour autant son charme. Sur les collines qui bordent la route des bergers mènent leurs troupeaux de moutons et de chèvres. Un torrent borde le coté droit de la route. Nous devons être prudents à cause des nombreux camions qui nous klaxonnent pour nous faire ranger. A notre tour nous leur faisons un signe pour les faire ralentir et s'écarter.
A Susurluk, il n'y a qu'un hôtel. Après discussion le prix est fixé à 14 000 000 de livres (7,50 €). La chambre visitée il manque des draps de lit. On nous assure qu'ils seront en place dans la soirée. Dans la salle d'eau les wc n'ont pas de papier de toilette et le joint de la cuvette fuit. C'est le bain de pieds assuré.
Nous allons faire un tour en ville. Dans le centre des poules picorent dans la rue. A qui sont-elles ? Dans un café internet, les ordinateurs sont de l'âge de pierre. Ils fonctionnent avec une lenteur agaçante. Heureusement que l'heure n'est qu'à 0,50 €. Nous avons trois messages mais un seul peut être lu, l'ordinateur se bloquant et ne voulant plus rien savoir. Un autre ordinateur, tout aussi lent, nous permet enfin de terminer notre lecture. De retour à l'hôtel les draps sont en place. Ils sont neufs.
Bandirma se trouve à 55 kilomètres de Susurluk. Ce matin il fait seulement 12°. Nous avons mis pour le départ nos vestes polaires, d'autant que le vent nous fait toujours face. La route est truffée de collines. Bernadette qui a attrapé un coup de froid a la fièvre, ce qui se voit sur son visage. Elle prend des cachets. Tiendra-t-elle le coup jusqu'à Bandirma ou nous espérons trouver un hôtel. De plus, nous avons le ventre creux. Nous n'avons pas trouvé de restaurant pour le déjeuner et malgré du nutella pris à la cuillère nos estomacs crient famine.
Les populations font preuve d'amabilité à notre égard. Souvent les gens font le geste, comme s'ils brassaient du thé dans un verre, pour nous inviter à boire un chai. Nous en acceptons un d'ouvriers agricoles qui font la pause devant leur coopérative.
A Bandirma nous cherchons la zone portuaire. Il y a un ferry pour Istanbul dans deux heures. Bernadette ne veut plus aller à l'hôtel mais prendre le bateau. A 18 heures 30 nous montons dans le ferry qui est confortable et chauffé. Dans deux heures nous serons à Istanbul.