Inde suite 3
4 décembre - Après une nuit réparatrice nous nous interrogeons sur l'opportunité de continuer le voyage avec la remorque. En Inde et dans les pays suivants nous n'aurons sans doute pas souvent l'occasion de camper. Déplacer 80 kgs de bagages pour peu d'emploi ne semble pas réaliste.
Dans l'après-midi nous appelons Jai Rao. Nous lui disons notre intention de nous séparer de la remorque. Il nous dit d'amener celle-ci à Bombay. Il en fera éventuellement l'expédition vers la France. Nous passons le reste de l'après-midi à trier les affaires que nous laisserons dans la remorque. Le couvercle refermé nous avons tout de même un serrement de coeur. Nous l'avons quand même traînée pendant 12 000 kilomètres.
5 décembre - nous partons à Bombay en 4X4. A la demande de Jai le manager de l'hôtel nous accompagne en cas de problème. Les 50 premiers kilomètres sont fait en 1 heure 45 sur une route de montagne des plus mauvaises. Sur la nationale nous roulons à 80 kms/h en moyenne.
Au cours du trajet nous constatons que les plus pauvres sont exploités. Ils vivent sous des abris faits de bâches posés sur des branchages. A proximité ils fabriquent des briques. Celles-ci sont faites à la main dans de petits moules et mises à sécher comme le faisaient il y a des centaines de générations avant eux. S'ils n'en n'ont pas de noms ce sont quand même des esclaves.
En approchant de Bombay nous retrouvons les habitations misérables et la circulation intense aux coups de klaxons ininterrompus. Notre conducteur se sert lui aussi de cet accessoire pour se frayer un passage entre les voitures, camions, bus, piétons et cyclistes.
Le quartier ou habite Jai Rao est riche mais des maisons faites de bric et de broc, des petites échoppes en tôle s'imbriquent entre les immeubles cossus. Jai nous attend devant un immeuble aux grilles gardées par quatre hommes en uniforme. La voiture est garée mais le chauffeur reste à son poste. Jai nous invite à entrer chez lui. Le manager de l'hôtel suit respectueusement à distance. L'appartement (résidence temporaire de Jai qui se fait construire un immeuble de sept étages) est en duplex et spacieux. Quatre personnels travaillent à demeure dont un spécialement chargé de s'occuper des chiens (des danois) et du... chat.
Nous retrouvons Naïna et nous faisons la connaissance de Devika, la fille du couple. Il nous présente aussi Gabriella, une portugaise mariée à un indien, dite "La French Lady" étant la seule dans le quartier et les relations à parler français. Elle et son mari ont vécu au Congo Brazzaville où ils avaient une affaire. Les évènements des années 90 les en ont chassés.
Jai nous emmène au restaurant. Celui-ci est situé à deux cents mètres de la résidence mais nous prenons la voiture pour y aller. Le rang de la famille ne permet pas de faire cette distance à pieds. Quelques instants plus tôt, pour aller chercher de l'argent à un DAB, situé à 50 mètres, la voiture avait été jugée là aussi indispensable. Le gardien, placé près du guichet, a eu de ce fait une attitude plus déférente.
La carte et la décoration du restaurant sortent de l'ordinaire. Le repas est correct et nous avons plaisir à manger. Nous buvons malheureusement de l'eau, notre hôte étant persuadé que nous devons garder toutes nos idées pour les emplettes que nous avons décidé de faire. A la sortie du restaurant, comme Jai conserve la voiture, Naïna prend un rickshaw pour faire les deux cents mètres la séparant de chez elle.
Nous ne trouvons pas les sacoches que nous espérions acheter. Nous expliquons à Jai que nous allons faire fabriquer des supports et acheter des sacs. Il semble ravi d'arrêter des recherches qu'il sait vouées à l'échec.
A notre arrivée à la résidence Jai invite le manager de l'hôtel de Harihareshwar à entrer. Ce dernier, assis sur le bord de son fauteuil, est à l'évidence mal à l'aise. Il n'est pas dans son monde. Sa maison, au confort sommaire, contraste avec le luxe affiché ici. Il ne participe pas à la conversation et s'ennuie. Au bout de quelques instants il demande à se retirer. Nous sommes heureux, quant à nous, d'être en présence de gens charmants. Ils nous invitent à plusieurs reprises à rester ce soir et demain. Nous déclinons l'invitation, prétextant sans trop savoir pourquoi, ne pas avoir pris de nécessaire de toilette.
A 20 heures, conscient de la route que nous avons à faire nous remercions Jai, Naïna et Devika de leur accueil. Avant le départ ils nous donnent (c'est une tradition de donner à ses invités avant le départ) deux pains de mie, de la confiture et des tranches de fromage.
Le retour se fait sans problème malgré une circulation qui nous semble plus chargée qu'à l'aller. Nous sommes au centre de l'anarchie mais nous avançons quand même. Lorsque la route n'est plus éclairée nous sommes souvent éblouis par les voitures, camions et bus qui roulent sans vergogne en pleins phares. Notre conducteur agit de même, tant pour éviter la collision avec les camions qui roulent tous feux éteintes que pour voir les chars à boeufs, les vélos et les piétons. Il nous faut 5 heures pour arriver à Harihareshwar. Nous sommes tellement fatigués que nous nous couchons sans prendre de douche.
Trop de générosité tue la reconnaissance
Depuis que nous sommes revenus à Harihareshwar nous avons remarqué au croisement qui mène à l'hôtel deux familles qui vivent sous une bâche soutenue par six piquets. Outre les deux hommes, qui fabriquent ou réparent des manches d'outils, il y a deux femmes, une adolescente et trois enfants dont un nouveau né. Lors d'un passage j'ai donné quelques roupies contre lesquelles j'ai eu un sourire. Repassant par là avec Bernadette, dans un élan, cette dernière prend le bébé dans ses bras. La maman est heureuse et fière. Lorsque je demande à faire une photo elle y consent mais à condition de mettre à l'enfant ses plus beaux vêtements. Après les photos nous pensons faire plaisir en donnant un billet de 100 roupies (2 €). Les adultes ne prenant pas le billet Bernadette le glisse dans la main de l'adolescente en expliquant par gestes que c'est pour les deux familles. Nous les quittons en leur faisant des signes de la main et en leur souriant. Curieusement nous voyons des sourires gênés. Plus tard nous comprendrons qu'il aurait mieux valu donner plusieurs fois mais pas autant d'un seul coup.