Inde suite 7
Pondichéry
15 jours à Pondichéry nous permettent de retrouver un peu d'atmosphère française de l'outre-mer bien que l'indépendance, vieille de cinquante ans, ait occultée une grande partie de notre culture. Restent toutefois des restaurants, des statues dans les jardins publics de nos grands hommes (Dupleix) et de nos grandes femmes (Jeanne d'Arc), les monuments aux morts (spécificité française), les quartiers européens du comptoir séparés de la partie indigène par le canal (un ruisseau nauséabond), des librairies, le palais du gouverneur devenu la résidence du chef de l'état de Pondichéry. La langue française est parlée dans peu de commerces l'anglais la supplantant. Les pondichériens de nationalité française eux mêmes parlent peu ou pas le français.
Le dîner au consulat
Lors de notre présentation au consulat de France, tant pour faire connaître notre présence que pour remercier le vice consul de son aide pour le logement, nous sommes invités par le consul et son épouse à venir dîner le lundi suivant. Diane et Fabian qui nous accompagnent sont également conviés.
Au cours de l'apéritif qui précède le dîner la discussion porte évidemment sur l'Inde et ses habitants. Les avis sont partagés quant à la pauvreté, les plus nantis d'entre nous (se trouvent présents, le consul, le vice consul et leur épouses, un couple d'amis du vice consul et nous quatre) disant que la pauvreté est plus apparente que réelle. Bien que courtois le ton de la conversation s'élève. Bernadette exaspérée par tant de cynisme retient difficilement ses observations. L'invitation à passer à table vient à point nommé pour détendre l'ambiance. Bernadette et moi sommes placés face au consul. Le repas se passe mieux que l'apéritif mais les propos tenus sont parfois burlesques à l'exemple de la femme du consul qui affirme sans se départir avoir roulé (en Mercédès) sur une route couverte de neige jusqu'à ne voir que le haut des poteaux téléphoniques. Nous quittons nos hôtes avec l'impression d'une soirée très banale au cours de laquelle heureusement nous avons très bien dîné en buvant de bons vins.
Auroville
A une quinzaine de kilomètres de Pondichéry se trouve un quartier ou se regroupent les adeptes d'une communauté dite d'auroville. Crée dans la première moitié du XXème siècle elle rassemble des européens mais aussi des indiens imprégnés de mysticisme. Le grand rêve du fondateur et de ses disciples de créer là une grande famille ne s'est pas vraiment réalisé. Le look des aurovilliens est calqué sur les années 70. Certains et certaines d'entre eux sont là depuis vingt à trente ans. Ils ont diverses activités, boulanger, tisserand, garagiste, peintre sur soie etc...
Direction Chennai (Madras)
Lorsque nous avons dit au revoir à nos jeunes amis belges nous étions tous les quatre émus. Nos routes se séparent à Pondichéry. Nous allons vers le nord ils descendent vers la pointe sud du pays.
6 heures 15 - la circulation est fluide. Nous sortons sans peine de Pondichéry. La route longe la mer ou s'en éloigne peu. Les mouvements de terrain sont quasi inexistants. Aux environs de Mamallapuram des panneaux indiquent des hôtels. L'un porte la même enseigne que celui de Ulundupettai. Il est moins sale mais vétuste. Nous continuons. Nous faisons bien puisqu'un kilomètre plus loin se trouve un grand complexe hôtelier avec piscine, terrains de jeux, plage, boutiques...Les chambres sont simples et propres. Il est 16 heures. Nous déjeunons puis allons faire un tour sur le bord de mer avant de rentrer dans la chambre et de nous reposer.
Chennai
Nous arrivons à Chennai trempés de sueur. Un fort taux d'humidité règne dans l'air. Il est presque midi lorsque nous sommes près du centre ville. Un hôtel récent, un peu cher mais avec TV5 a des chambres bien tenues. Après une douche bienfaitrice nous déjeunons en "service room".
Chennai ne diffère pas des autres villes indiennes. On y trouve la multitude de mendiants, hommes, femmes et enfants. Certains sont de véritables loques humaines, tel cet homme dans la trentaine, les jambes gonflées qu'elles semblent prêtes à éclater et accroupi sur le trottoir. Il s'épanche d'un superbe colombin tout jaune mais il n'oublie pas de tendre la main en continuant son affaire. Devant ce spectacle Bernadette est au bord de la nausée.
Lors d'une promenade au bord de la mer, nous sommes comme au spectacle, mais plongés au milieu de la scène. Ici, ce sont les commerçants ambulants qui proposent des boissons, là d'autres sur des étals de fortune vendent des ananas épluchés, de gros cornichons en tranches et des fruits de saisons. La clientèle guère plus riche que les vendeurs se donne ainsi de petits plaisirs en se promenant. A coté, toujours les mendiants, reçoivent une pièce ou un morceau de fruit. De loin en loin des puits permettent aux femmes de puiser de l'eau et de laver leur linge. Un moment incommodés par une fumée qui sort de derrière de maigres arbustes nous voyons en passant un homme griller sur un feu de bois les poils d'un chat (la bête est toute gonflée). Près de lui une femme et une enfant regardent le spectacle se délectant à l'avance à l'idée qu'elles vont ce soir manger de la viande. Plus loin nos narines sont agressées par une forte odeur d'égout. C'est le lit d'une rivière qui est aux deux tiers encombré d'une boue noire et épaisse. L'eau qui s'écoule vers la mer a la couleur du charbon. De retour à l'hôtel nous prenons un apéritif et commandons le dîner en service room. Nous essayons d'oublier la famille au chat.
11 février 5 heures - Nous prenons le petit déjeuner ans notre chambre préparé par nos soins. Il nous donne plus de satisfaction que ceux de l'hôtel où il manque toujours quelque chose, thé, beurre, confiture... Lorsqu'on fait une réclamation ou vous dit respectueusement "Yes sir" mais la suite n'est jamais mieux.
Le jour ne pointe pas encore lorsque nous partons. Le personnel de l'hôtel est sorti pour nous dire au revoir. Par sécurité Bernadette a mise sa ceinture réfléchissante et clignotante. Nous prenons le bord de mer en direction du nord.
Les maisons de faubourgs sont en terre avec des toits de palmes. Des rigoles drainent les eaux usées noires. Des gens n'ont même pas ces modestes abris, ils dorment dehors à même le sol. Un couple avec un bébé ouvre les yeux sur une nouvelle journée de misère.
Sur une dizaine de kilomètres des usines pétrochimiques et chimiques polluent l'atmosphère. L'air est presque irrespirable. Entre les usines continuent les misérables baraques. Y logent les ouvriers et leurs familles (surexploités par des groupes internationaux propriétaires des entreprises).
Nous comprenons rapidement que nous nous sommes trompés de route. Nous ne trouvons personne pour nous renseigner ou alors les indications sont contradictoires. Dans une station service, on m'explique à force de gestes, la bonne direction pour rejoindre la route principale. Lorsque nous y arrivons nous voyons un panneau qui indique Chennai 32 kilomètres. Nous en avons fait 60 depuis notre départ.
Au 73ème kilomètre nous voyons un "lodge". C'est le seul du village. La visite de la chambre amène les mêmes remarques qu'ailleurs. Nous faisons nettoyer, changer les draps etc... Le logeur dit ne pas fournir de serviettes. Je me fâche. Un employé est envoyé en acheter deux. Les prétentions du logeur sont ramenées de 500 à 300 roupies ce qui reste beaucoup.
Nous dédaignons pour le déjeuner la proposition du logeur qui tient aussi un minuscule restaurant. Nous trouvons plus loin un autre endroit plus fréquenté et mieux équipé. Ce n'est pas Maxim's. Les clients indiens n'ont pas d'assiette. La nourriture (pour l'essentiel du riz avec de la sauce) leur est servie à la louche sur des feuilles de bananier découpées. Les menus sont mentionnés sur un tableau (en tamoul). Le patron très obligeant, avec quelques mots d'anglais, nous propose du riz blanc, du poisson frit et de l'eau minérale. Des sauces, toutes pimentées, complètent le menu. Ce n'est pas mauvais. Nous mangeons à notre faim et buvons à notre soif pour 70 roupies (1,27 €). Pendant tout le service, le garçonnet chargé du nettoyage des tables mais aussi les autres clients nous regardent manger. Nous avons des assiettes, des cuillères, des fourchettes et des verres (eux mangent avec leurs doigts et boivent dans des gobelets métalliques). Bernadette un peu agacée par cette insistance à nous regarder ne peut s'empêcher de leur expliquer, gestes à l'appui des paroles, qu'à part les couverts nous mangeons comme eux (peut être plus proprement). En réponse elle reçoit des balancements de têtes et des sourires. Il n'est pas sûr qu'ils aient compris.
Le soir nous sommes reçus comme des habitués; Un homme près de nous se nettoie les oreilles tout en nous regardant. Bernadette fait le même geste. Il sourit et continue. En fin de repas Bernadette va se laver les mains au lavabo. Il n'y a pas de robinet mais un bidon plastique dont on a enlevé la partie supérieure. Un gobelet sert à prendre l'eau. Sans torchon pour s'essuyer elle revient à la table les mains humides. Un serveur se précipite, une feuille de papier journal découpée en deux et lui en présente une moitié. Elle avait les mains presque propres. Maintenant c'est moins sûr.
de Kavaraipettai à Sullurpet
Après la chaussée déformée et une dizaine de kilomètres de travaux nous roulons sur une deux fois deux voies. La circulation est anarchique. Aucun véhicule ne fait attention aux sens de circulation. Bus, camions, autos mais aussi motos et vélos roulent parfois à contre sens sur les deux voies. Ils se paient même le culot lorsqu'ils arrivent en face de nous de nous klaxonner pour que nous nous rangions.
Alors que le soleil chauffe fort et que nous n'avons pas un coin d'ombre une patte du porte bagages se brise et bloque la roue libre. Je réussis à faire une réparation de fortune. Curieusement pendant la réparation personne n'est venu près de nous et pas un véhicule ne s'est arrêté en voyant les bagages étalés sur le sol. La solidarité en Inde est à inventer.
A Sullurpet nous trouvons pour 200 roupies un "lodge qui après un coup de chiffon est correct. La douche est froide mais le patron nous fait porter 40 litres d'eau chaude.
Le déjeuner est végétarien. Aucun restaurant de la ville ne fait de plat de viande.
Pendant nos déplacements nous faisons la curiosité des indiens qui s'interpellent pour signaler la présence de deux européens.
Une soudure est faite au porte bagages. Nous espérons que cela tiendra...
Scènes de vie
Entre Sullurpet et Nellore les paysages sont fait de savane ou poussent de maigres arbustes. S'y trouve ci et là, en fonction de l'irrigation, de petites rizières. Certaines de ces parcelles sont coupées à la faucille par les paysans. Les coupeurs sont suivis des ramasseurs qui regroupent les tiges et font des petits tas. Nous songeons à nos grands parents qui agissaient de même en coupant les blés. Dans d'autres endroits on bat le riz. Pour que les grains soient plus facile à ramasser les paysans travaillent sur des bâches. Lorsque cet accessoire leur manque ils battent carrément sur la route. Pour sortir les grains de leurs bogues les tiges sont prise par la base et frappées violemment sur le sol.
Nellore
C'est épuisés que nous arrivons à 14 heures à Nellore. Un indien à moto nous guide vers un hôtel 3 étoiles. C'est le meilleur de la ville. Malgré sa catégorie nous constatons de nombreux petits manquements mais nous ne faisons pas les difficiles. Nous essayons seulement de faire changer le dessus de lit qui est tâché. Le garçon d'étage enlève carrément la pièce d'étoffe et la fourre pliée en quatre dans un placard... voilà, le travail est fait.
Nous restons deux jours à nous reposer. Le restaurant de l'hôtel est sous forme de buffet. Les choix sont variés. Cela nous change des gourbis des derniers jours.
En ville les mendiants semblent particulièrement attirés par nos peaux blanches. Ils viennent en multitude tendre la main. Ils nous suivent avec insistance en nous tapotant les bras et demandant de l'argent d'une voix plaintive. Des infirmes, réels ou supposés, sont poussés dans de petits chariots touchant presque le sol. D'autres (on ne peut douter là de leur état) n'ayant que des moignons à la place des mains tiennent comme ils le peuvent leurs sébiles. Des femmes avec des enfants en bas âge tendent aussi la main en montrant l'enfant et faisant comprendre que c'est pour acheter du lait. Des vieux et des vieilles décharnés (qui ne doivent pas manger tous les jours) nous laissent entendre une sorte de plainte. Ces pauvres vont et viennent d'un bord à l'autre de la rue en demandant aux boutiquiers une pièce ou de quoi manger. Nous les voyons lorsque l'aumône ne semble pas suffisante faire la grimace. Nous donnons aussi quelques pièces mais notre stock de monnaie est vite épuisé. Pendant les deux tiers de notre promenade, un enfant d'une dizaine d'années marche auprès de nous. Il ne dit rien et ne demande rien. Il fait semblant de nous accompagner et en tire apparemment une certaine fierté. Un moment nous faisons demi tour. Il n'ose pas suivre mais nous le voyons déçu de ne pouvoir continuer avec nous.