Inde suite 8
Jour d'élections
Dimanche 15 février on vote pour élire des députés. Il nous revient à l'esprit une phrase de notre logeur de Pondichéry qui nous avait dit au sujet des élections que les voix sont le plus souvent achetées. "Tu votes pour moi, tu as 100 roupies". C'est ça la nouvelle démocratie.
Le service à table dans un restaurant 3 étoiles
Dans les petits restaurants il n'y a pas d'étiquette mais dans les hôtels restaurants réputés les règles de service peuvent surprendre les occidentaux.
L'homme est tout, la femme n'est rien.**
En certains endroits nous avons eu l'occasion de relever certaines scènes.
A Nellore, compte tenu du rang de l'hôtel, le savoir vivre indien est plus perceptible. On peut citer quelques points
1 - L'homme passe toujours une porte devant la femme__,
2 - A table, le serveur déplie la serviette de l'homme et lui pose sur les genoux. La femme peut attendre rien ne sera fait pour elle__.
3 - L'homme est servi en premier. Il a souvent terminé lorsque la femme est servie.__
4 - S'il y a des enfants l'homme mange. La femme fait manger les enfants. Elle se dépêche ensuite pour ne pas faire attendre l'homme.__
5 - L'homme va boire au bar.. La femme retourne dans la chambre__
6 - Si aucun porteur n'est disponible les bagages sont portés par la femme. L'homme avance devant les mains libres.
La route continue
Après Nellore nous passons Kavali, Ongole, Chilakaluripet, Geuntur où nous faisons haltes et où les hôtels, les villes, ressemblent à du déjà vu.
Vajayawada n'est pas une ville comme les autres. Son centre est propre avec des immeubles cossus et parfaitement entretenus. Elle possède plusieurs hôtels de confort mais le "D.V. MANOR" les dépasse tous en qualité. Ses 5 étoiles ne sont pas usurpées. Il est à mille et une lieues des lodges crasseux que nous fréquentons le plus souvent.
Nous apprécions tellement son confort que nous restons trois nuits au D.V. MANOR HOTEL.
Lorsque nous reprenons la route ce n'est que dans les faubourgs que nous retrouvons la crasse et la misère. Nous avions presque oublié les gens qui dorment au sol sous des bâches et qui font leur cuisine dans des marmites aux culs noirs posées sur trois pierres. Nous avions aussi perdu de vue ces enfants en haillons qui jouent au bord des caniveaux aux eaux noires. Nous avions perdu de vue encore ces autres enfants qui travaillent 15 heures par jour dans les restaurants, boutique et ateliers... Rien de tout cela n'était visible dans la ville de Vajayawada.
Entre Vajayawada et Eluru nous voyons moins de rizières. Des champs de cannes à sucre s'étirent jusqu'à l'horizon. De nombreux transports du camion au char à buffles emmènent les chargement à l'usine.
A Eluru, lorsque nous quittons le lodge infâme ou nous avons eu une chambre crasseuse le réceptionniste a le toupet d'envoyer un sous fifre vérifier si nous n'avons rien emporté.
Où l'on décide de prendre le train pour Calcutta
Devant la monotonie de la route qui s'annonce et les 1400 kilomètres qui nous restent avant d'atteindre Calcutta (nos visas risquent d'expirer avant que nous ayons atteint la capitale du Bengale) nous décidons de prendre le train.
A Tanaku nous délaissons Le Palace qui est pire qu'une soue à cochons pour un lodge sans prétentions qui a le mérite d'être propre.
Nous allons à la gare pour réserver des places mais après bien des palabres nous comprenons qu'il ne nous sera pas possible de faire embarquer de cette gare le tandem. On nous dit d'aller à la ville voisine, Nidadavole, qui a une gare plus important et où plus de trains arrêtent.
Dégoûtés
La journée s'annonce belle. La température du matin 23° commence à monter mais les brumes matinales nous gardent encore un peu de fraîcheur.
A la sortie de Tanuku nous longeons un canal aux eaux polluées par les effluents venant des villages. Aux abord de ceux-ci et en rase campagne nous sommes obligés de faire attention de ne pas rouler sur les excréments humains encore fumants qui exhalent des odeurs peu agréables. Compte tenu de l'heure nombreux sont ceux qui n'ont pas encore terminé ou qui commencent à peine à se vider les intestins, les pieds au bord du bitume ou sur celui-ci lorsqu'ils n'ont plus de place entre les merdes pour les poser. Dégoûtés, oui nous sommes dégoûtés.
A la gare de Nidadavole le problème est le même qu'à Tanuku. Nous devons continuer jusqu'à Rajahmundry. Heureusement seulement 20 kilomètres nous séparent de cette ville. En cours de route on nous salue mais avec curiosité. Un superintendant des douanes qui voyage en voiture officielle avec sa femme fait stopper son chauffeur pour nous adresser ses félicitations et nous fait perdre un quart d'heure en plein soleil. A plusieurs reprises, comme bien souvent, nous faisons écarter les cyclistes qui se collent à nous et nous gênent dangereusement dans notre progression.
A Rajahmundry nous allons directement à la gare. Au service des "parcel Office" on me dit que les colis sont pris en compte sur présentation des billets. L'achat de ceux-ci ne se fait pas sans mal. Je tombe sur un jeune blanc-bec qui a décidé de bouffer de l'occidental. Il parle dans un dialecte local en y mélangeant quelques mots d'anglais. Heureusement je suis très aimablement aidé par un voyageur indien qui s'exprime parfaitement en anglais. Grâce à lui je comprends alors que je dois présenter les passeports pour la réservation des places, celles-ci étant nominatives.
Ne voulant pas trop nous éloigner de la gare nous cherchons parmi les hôtels proches. Hélas ce ne sont que de sordides galetas. Dans le centre ville éloigné d'un kilomètre nous prenons le meilleur hôtel. C'est propre mais la douche est froide. On nous apporte de l'eau chaude à profusion dans des seaux.
A midi le lendemain je pars seul pour la gare avec le tandem. On me regarde avec curiosité. Des piétons me suivent. Les cyclistes et ceux qui sont à motos, scooters et voitures ralentissent près de moi avant de repartir. Au Parcel Office j'entreprends les formalités pour l'expédition du tandem. Cinq minutes devraient suffire mais vingt semblent insuffisantes. Au moment de régler le caissier étant au "lunch" on me dit de revenir à 3 heures (pm).
Pour aller de l'hôtel à la gare nous prenons un rickshaw lequel est plein comme un oeuf avec nos bagages. Le conducteur qui nous a pris au moins deux fois le prix de la course fait la moue lorsqu'il comprend qu'il n'aura pas de pourboire.
Les salles d'attente sont si sales que Bernadette n'y entre pas. Elle préfère rester sur le quai avec les bagages pendant que je vais au Parcel Office. Le préposé en me revoyant a un large sourire. Je paie au caissier et prend mon "receipt." Je reviendrai vers 16 heures pour l'embarquement du tandem. Je veux remercier l'homme qui s'est si obligeamment occupé de nous en lui donnant discrètement un billet de 100 roupies. Il refuse élégamment en me disant que je suis un "gentleman" et qu'en aucun cas il ne me ferait payer un service rendu.
Pour calmer une petit faim et faire des provisions j'achète à une vieille femme des bananes qu'elle me vend 10 roupies. Je pars avec mes fruits lorsqu'elle me rappelle. Elle glisse dans le sachet deux autres bananes. La pauvre femme, elle n'a même pas pu me voler...
Rajahmundry - Calcutta
19 heures 30, le train arrive avec une heure de retard. La voiture où se trouve nos places s'arrête juste devant nous. Nous sommes placés sur le coté et au milieu ce qui présente l'avantage de n'avoir personne près de nous. Bien qu'il fasse déjà nuit nous restons en position siège. Certains sont déjà allongés, d'autres jouent aux cartes, un jeune gros mange sans discontinuer, derrière se trouve une couple avec une enfant mal élevée. Au passage du contrôleur nous présentons nos billets. Il ne nous demande pas , comme aux indiens de pièces d'identité (nous sommes les seuls européens et la consonance de nos noms parle pour nous).
Vers 22 heures après avoir mangé du cake et des fruits (les autres voyageurs ont consommé, pour la plupart, des plats cuisinés venant du wagon cuisine), nous préparons nos couchettes et nous nous allongeons comme l'ont déjà fait une grande partie des voyageurs. L'un des quatre joueurs de cartes vient à ce moment me demander de quel pays nous sommes. Je lui explique brièvement ce que nous faisons. Il semble éberlué ainsi que ses compagnons. Nous échangeons des "good night". Ils continuent à jouer aux cartes mais je n'entends pas la fin de la partie. Bercé par le roulement et les balancements du train je m'endors.
5 heures (am). Deux jeunes près de nous parlent comme s'il était 10 heures. Après un quart d'heure ils retournent heureusement dans les bras de Morphée. Au réveil suivant il fait jour. La plupart des gens sont encore en position couchée.
8 heures - nous replions nos couchettes. Autour de nous l'animation est à son comble. Les personnels du train vendent thé (2/3 de lait - 1/3 de thé), du café aux arômes aussi très légers, des omelettes, du pain. Des plateaux repas sont servis, sur commandes faites hier au soir. Les odeurs mélangées ne sont pas très appétissantes. Le sol s'encombre vite de papiers gras, de journaux, de gouttes de thé et de café, de miettes etc...
Nous sommes heureux de nos biscuits enveloppés, de nos bananes, mandarines et de l'eau minérale que nous avons achetés avant le départ du train.
Assis nous regardons le paysage défiler. Tout est plat jusqu'à l'horizon. C'est un pays de rizières où une seule récolte est faite après la mousson. Les villages sont pauvres. Parmi les passants et les gens qui travaillent, vu l'heure matinale, certains libèrent leurs intestins le long de la voie ferrée. Aux passages à niveaux s'agglutinent les vélos, motos, camions, bus en se serrant au plus près. En certains endroits, grâce à des marigots ou une petite rivière quelques arpents de rizières sont replantés en riz et sont verts. Les motopompes sont rares. Le plus souvent c'est avec un ingénieux système de balancier que l'eau monte degré par degré jusqu'à la rigole qui irrigue la rizière. Deux cents kilomètres plus loin l'eau étant plus abondante la plaine est verte. Ici, il sera fait une deuxième récolte de riz. Avec la couleur le paysage redevient plus agréable et reposant. Quelquefois, entre les rizières se trouvent des espaces plantés de fleurs (des oeillet d'Inde - sans jeu de mots).
La campagne plus sale, les maisons de torchis à nouveau, serrées les unes contre les autres, annoncent Calcutta. Cela fait 17 heures 30 que nous sommes partis de Rajahmundry. Nous sommes en ville puis c'est l'arrêt. Bien avant que le train ne stoppe nous avons vu des gens sauter sur le coté de la voie. Emportés par leur élan ils courent un instant. Nous attendons quant à nous l'arrêt complet et que tout le monde soit pratiquement descendu. Les joueurs de cartes nous disent "good bye and best travel."